Mode de vie

L’univers coloré de l’artiste et designer Jaime Hayón

Une exploration approfondie de l’un des plus grands imaginaires espagnols 

Peinture par Jaime Hayón
Vase peint COSMOTIK JUNGLE par Jaime Hayón (avec l’autorisation de Jaime Hayón)

Plus tôt cette année, dans une grande exposition du Centre del Carme Cultura Contemporània de Valence, les amateurs d’art se sont délectés d’une profusion de couleur et de créativité : toiles démesurées de flore, faune et paysages de rêve; sculptures en céramique d’amusants humanoïdes dignes des bandes dessinées, série de grands masques en tapisserie, tissés à la main en laine, et meubles rétro parfaits pour un hôtel boutique.  

On pourrait supposer que c’est une exposition des artistes de l’heure en Espagne, dans toutes les disciplines. Mais en fait, toute la présentation, intitulée InfinitaMente (jeu de mots entre « infiniment » et « esprit infini »), était une rétrospective du travail d’un seul : Jaime Hayón, l’un des talents les plus fascinants et influents du pays. Multidimensionnel serait peu dire. 

« Je ne conçois pas le cloisonnement entre design [de produits], design intérieur, installation artistique ou peinture », explique Hayón, qui a tout fait cela et plus encore. Il a créé des œuvres de grandes dimensions et des bijoux, tous aussi imaginatifs que fonctionnels. Des clients de tous les horizons, de la décoration intérieure à l’hébergement, on fait appel à lui, avec des marques comme Lladró, Fritz Hansen, Baccarat et le Standard Bangkok, pour ne nommer que ceux-là.  

Son vaste portefeuille de créations est des plus diversifiés : Pour Ceccotti Collezioni, par exemple, il a créé le fauteuil T-Bone, un chef-d’œuvre sculptural avec un grand souci du détail. Pour Swarovski, il a fabriqué un carrousel de foire orné de 15 millions de cristaux, étincelant au beau milieu d’un parc autrichien. (Oui, les visiteurs peuvent vraiment faire un tour sur ce manège, qui a remporté un prix de design Wallpaper* en 2020.) « L’expression est au cœur de toutes ces créations – intégrant parfois la fonction dans l’équation », dit Hayón.  

Sa passion d’adolescence de la planche à roulettes et de la culture des graffitis constitue une de ses premières influences, suivie d’une formation classique en design industriel. Est venu ensuite un stage chez Fabrica, incubateur de talents dans la campagne italienne qui accueille de jeunes artistes en résidence (qui séjournent et étudient dans une ville du 17e siècle restaurée par le légendaire architecte japonais Tadao Ando). La mission du centre – encourager l’interpollinisation des idées entre les disciplines a manifestement laissé sa marque chez Hayón. 

Chaussures Camper par Hayón
Chaussures Camper par Jaime Hayón (avec l’autorisation de Jaime Hayón)

En 2001, le créateur madrilène volait de ses propres ailes et avait établi le  Hayón Studio à Valence, suscitant rapidement l’attention des commissaires de musées et critiques. Cette année marque le vingtième anniversaire de la toute première exposition de Hayón,  Mediterranean Digital Baroque, une expérience idiosyncratique dans la petite galerie londonienne de David Gill. Des dessins à main levée rappelant les griffonnages des arts de la rue couvraient les murs, tandis que des sculptures de « porcs supersoniques » étaient disposées dans une forêt de cactus abstraits de couleurs au-delà du naturel : rose, jaune, bleu.  

Cette exposition a constitué un tournant libérateur pour Hayón. « Cela m’a donné la confiance de croire en mon travail et marqué le début de ma carrière solo. Les gens s’y sont intéressés, l’exposition s’est bien vendue, ce qui m’a fait penser « Je peux faire cela ». 

Installation par Jamie Hayon
Installation The Tournament par Jaime Hayón (avec l’autorisation de Jaime Hayón)

Depuis, il a continué de s’élancer entre des médiums disparates avec une rare agilité – rendant son corpus impossible à étiqueter. « Dans un article, j’étais baroque, néo-surréaliste, surréaliste et minimaliste », a-t-il fait remarquer dans le magazine Time, qui l’a consacré icône créatrice en 2007. « Allons donc – je suis tout simplement moi-même, je fais mon propre travail. »  

Ce travail est remarquablement prolifique, allant du commercial au fantastique. Parcourez l’œuvre de Hayón et vous noterez une maîtrise de la forme et de la fonction, dont témoignent ses meubles élégants pour des maisons comme &Tradition et BD Barcelona Design. Les contours du fauteuil Dino de BD, par exemple, puisent leur inspiration de leur homonyme préhistorique, tout en promettant un confort de salon maximal. « Pour moi, le savoir-faire est le cœur. La production industrielle, c’est le muscle », dit-il.  

Cristal par Jaime Hayón
Sculpture singe FAUNACRYSTOPOLIS pour Baccarat par Jaime Hayón (avec l’autorisation de Jaime Hayón)

Comblant l’écart entre fonctionnalité et émerveillement, les projets de design intérieur de Hayón insufflent un sentiment de ravissement dans le réel. C’est un antidote au minimalisme du beige triste – on ne s’en lasse pas. Récemment, il a orné des hôtels huppés comme le Standard Bangkok, où son exubérance lui a valu plusieurs prix. Au nouvel art’otel Battersea Power Station de Londres, où Hayón remporte le titre d’artiste emblématique, les clients sont accueillis par l’une de ses sculptures surdimensionnées, The Dreamer, avant d’accéder à une galerie déguisée en hôtel.  

Outdoor zoo installation by Jamie Hayon
Merry Go Zoo installation by Jamie Hayón (Courtesy of Jamie Hayon)

À première vue, les nombreuses créations de Hayón semblent tout à fait hétéroclites, mais regardez-y de plus près et vous discernerez des thèmes communs : fantaisie, humour et joie. Pour le dire autrement, le fil conducteur est un sentiment, plutôt qu’une esthétique.  

« La relation émotive est un curieux aspect de la perception qu’on a d’une œuvre. C’est absolument primordial dans mon travail. Le comment et le pourquoi n’ont pas beaucoup d’importance pour moi », explique Hayón, qui connaîtra une autre grande rétrospective cette année : une exposition multidisciplinaire au MAD Brussels, à partir de septembre. « Le fait que les gens ressentent quelque chose, et que ce soit plus attirant que la fonction, c’est exactement ma vision du monde. » 

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